En attendant les résultats

Même si les premières rumeurs sont de bonnes nouvelles, on retient son souffle. Circonstances obligent, j’écris aujourd’hui sur le dernier livre paru en France de Paul Krugman. Comme à l’accoutumée le titre français (l’Amérique dérape) est … vendeur. Si Paul Krugman était connu avant de prendre ce poste de chroniqueur du New York Times, c’était en tant que grand « debunker » d’idées sur la pensée économique du moment. Pour ma part je l’ai découvert au travers de sa chronique (the dismal science) dans le magazine électronique Slate. C’est en lisant sa prose que j’ai découverte un intérêt pour l’économie que j’ai étudié quatre ans durant. On pourrait penser que de passer du monde austère que sont les universités aux starlights des médias serait difficile pour un professeur d’économie internationale. Ce fut un énorme succès. Tout d’abord l’actualité s’y pretait bien (crise monétaire internationale, mouvement anti-mondialisation …), et puis (et surtout) le talent du monsieur était certain. Contrairement aux journalistes d’investigations qui se basent sur une enquête sur le terrain, Paul Krugman se basent sur des idées simples tirés de ses travaux ou de la pensée économique et les illustrent à travers des exemple concrets ( par exemple l’histoire des coopératives de baby-sitters i.e. impact des politiques monétaires sur l’économie). Réfutant les arguments simplistes des anti-mondialisations ou les envolées fiscalistes des républicains, il emmène le lecteur doucement vers une autre lecture des données économiques.

Donc on s’attendait à un nouveau round de Krugmania quand en 2000 il ouvre sa chronique dans le NYT. Toutefois avec l’élection de Bush  ses écrits vont prendre une toute autre tournure. Il n’aura de cesse que de dénoncer le populisme, les arnaques de l’administration Bush. Ce livre est donc une compilation des textes de Krugman de 2000 à juillet 2004. Si pour beaucoup, Bush, bien que républicain, n’en est pas moins le président de tous les américains, Krugman va très tôt dénoncer un holp-up sur la vérité. L’administration ne reculera devant aucune subtilité pour masquer la réalité des chiffres sur les effets de sa politique fiscales (réductions massives et sans précédent de l’impôt). Mais plus encore qu’une incompétence décriée par d’autres, Krugman dénonce le véritable agenda de l’équipe Bush-Cheney : détruite le système d’assurance-maladie-chômage, Entendons-nous bien, Krugman n’a rien d’un gauchiste, il a souvent été attaqué par les adversaires de la mondialisation, des délocalisations. Il ne vilipende pas les riches au titre qu’ils gagnent trop. Non il s’attache à montrer les incohérences : réduire les impôts au risque de détruire l’avenir de la caisse publique des retraites et des programmes sociaux tout en maintenant un niveau élevé de dépenses (notamment la guerre en Irak). Une politique menée dans un climat malsain de lutte anti-terroriste où douter de la politique présidentielle revient à trahir son pays. Les médias tiennent aussi une part de responsabilité, de l’autocensure des médias progressistes à la partialité de FOX NEWS, tout le monde semble paralysé, on n’ose pas imaginer le pire, on n’ose même pas en parler.

Mais le plus touchant de ce recueil, c’est que Paul Krugman, en tant qu’américain ne peut se refuser à l’idée que son pays soit autant détesté après seulement 4 ans de bushisms, il croit en la tolérance que peuvent faire preuve les américains, la plus vieille démocratie au monde. On ne peut pas éternellement mentir à son peuple sans en subir les conséquences. Réponse demain matin.

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