Handbook on Electricity Markets

Couverture
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Pour avoir travaillé une bonne partie de ma vie professionnelle dans le monde des services il est fascinant, mais aussi frustrant, de côtoyer maintenant le monde des produits physiques.

Frustrant car dans l’univers des biens numériques il est aisé de dupliquer, étendre son service presque sans délai et ceci d’autant plus facilement que les infrastructures infonuagiques sont faites pour ça. On « appuie sur un bouton » et on peut répondre à une demande accrue.

Mais la fabrication d’objets est fascinante car elle fait appel à des procédés auxquels nous ne sommes pas confrontés dans la vie quotidienne. J’adore lire la lettre de The Prepared. Chaque semaine je découvre ou redécouvre des matériaux et des machines, par exemple le polystyrène.

Il n’y a pas que les aspects physiques et la logistique qui sont obscures pour nous, les consommateurs finaux. Le marché avec ses différents acteurs contient un peu sa part de mystère. Les intermédiaires, les particularités de chaque segment de clientèle, les réglementations sont propres à chaque marchandise. Par exemple un t-shirt et son coton qui prennent des routes loin d’être directes.

Tout ça pour dire que l’électricité est un peu comme les autres biens de consommation. Elle est produite grâce à des procédés variés (nucléaire, barrages, solaire, gaz, charbon). Elle se vend sur des marchés bien différents avec des règles toutes aussi diverses.

Le livre ne rentre pas dans les détails liés à la physique si ce n’est pour expliquer les particularités propres à l’énergie électrique. C’est un ouvrage académique qui se veut être une photo de l’état des marchés de l’électricité dans le monde au début des années 2020. Parfait pour quelqu’un comme moi qui doit se plonger au quotidien dans ce secteur.

Il est rare qu’on se pose des questions sur l’électricité. On en parle beaucoup lors des débats de société comme sur le changement climatique ou quand une guerre comme celle en Ukraine perturbe les approvisionnements mais reste que la structure du secteur est complexe. Pourtant l’utilisation du produit reste des plus simples. On a une bonne idée de sa facture mensuelle en dollars mais ce qu’elle représente en terme de quantité consommée reste floue 1 tout comme son transport qui se limite aux poteaux électriques qu’on rencontre sur le bord des routes.

Il y a 3 grands thèmes dans l’ouvrage. Le premier a trait à la transformation du secteur suite à la vague de déréglementation des années 90 qui a touché presque tous les pays dans le monde. Après avoir rappelé l’organisation pré-libéralisation et ses faiblesses, plusieurs chapitres sont consacrés aux changements effectués dans différents pays pour séparer la production, le transport et la distribution et enfin le commerce de détail de l’électricité. J’ai retrouvé ici les raisonnements appris lors de mes études en économie sur les profits et coûts marginaux, l’impact de l’élasticité prix-demande.

L’électricité a quand même une particularité: elle est périssable. C’est-à-dire, qu’à tout moment, ce qui est produit doit être consommé. Il y a peu de moyens de stockage et ceux-ci coûtent encore trop cher. L’analogie utilisée est parlante: c’est comme des sièges dans un avion, si ceux-ci ne sont pas vendus au moment du décollage c’est une perte pour la compagnie aérienne. L’équilibre entre offre et demande est aussi une question de sécurité, un trop grand déséquilibre peut provoquer un effondrement partiel ou total du réseau. Ces contraintes technologiques ont un impact direct sur la structure économique du marché de gros de l’électricité.

Je ne rentrerai pas dans les détails, ça serait trop long pour un seul article (j’ai pris 50 pages de notes!) mais je compte publier d’autres billets sur les thèmes du livre.

Cette première partie couvre le cadre théorique et son application dans différents pays. Ce n’est pas une lecture facile, j’y suis revenu plusieurs fois (et j’y reviendrai sans aucun doute dans le futur) mais cela a beaucoup éclairé ma compréhension des débats sur le prix de l’électricité. J’ai eu plusieurs moments de révélation quant à des articles lus dans le passé sur des points de réglementation.

Le deuxième aspect abordé est celui de l’impact des énergies renouvelables et dans une moindre mesure des véhicules électriques (VE). L’éolien et le solaire ont de spécial d’être de moins en moins chers à construire mais aussi à opérer ce qui change la donne des marchés long et court termes. Ce sont des sources d’énergie intermittentes, c’est-à-dire qu’elles ne produisent pas en continu et sont sujettes à des variations non pilotables (présence de vent ou de soleil). Il faut trouver des mécanismes techniques et financiers pour lisser la production et la consommation pour utiliser au mieux ces sources d’énergies renouvelables.

Le chapitre sur les VE met en lumière le besoin de construire une nouvelle infrastructure de chargement pour enlever la barrière de l’anxiété de la recharge mais surtout le problème du financement d’un VE qui coûte cher à l’achat mais a un coût d’utilisation plus faible. La Norvège a installé des stations de recharge rapide toutes les 50 km sur les routes principales et a enlevé les taxes d’importation sur les VE ce qui a entraîné une forte accélération des ventes. L’impact sur le réseau électrique se situe entre 12% pour le Canada et 30% pour l’Angleterre en termes de consommation d’énergie en plus.

La troisième partie est consacrée à des marchés non encore ouverts à la concurrence ou peu développés comme la plupart des pays du continent Africain ou la Chine. Cela m’a moins servi mais cela reste intéressant pour la culture générale sur l’économie mondiale.

En résumé, c’est un gros (plus de 600 pages) et bel ouvrage. Ce n’est pas un livre d’introduction mais avec un peu d’efforts il permet de comprendre beaucoup sur comment se vend et s’achète l’électricité. Je reviendrai dans de futurs billets sur les chapitres les plus intéressants.

Mise à jour

Voici mes autres billets écrits sur le sujet:

P.S. — C’est un livre au format PDF protégé que j’ai acheté. C’est la première fois depuis longtemps mais l’expérience n’a pas changé. Les applications disponibles sont bien pourries. Pour donner un exemple bien représentatif, les graphiques sont rendus en noir et blanc bien que mon écran supporte des millions de couleurs, leur lecture n’est pas aisée. Certains graphiques n’étaient pas correctement affichés, il manquait des aires hachurées. Je devais utiliser une autre app qui n’avait pas ce problème mais celle-ci ne supportait pas la table des matières.


  1. La consommation de mon domicile est d’environ 5000 kWh par an soit 13 kWh par jour pour une facture mensuelle avec taxes de 35 dollars. ↩︎

billet publié dans les rubriques readings, énergie le