Notes lecture du livre Le désinformateur par Arthur Asseraf
On ne peut pas dire que le livre d’Arthur Asseraf soit une biographie tellement les informations connues sur Messouad Djebari sont éparses. Toutefois, du peu qu’on connaît de la vie de cet algérien de la fin du 19eme siècle, on y décèle un personnage hors du commun.
L’ouvrage de l’historien français retrace les quelque 15 années entre son arrestation pour avoir participé à une soi-disante société secrète et sa disparition après avoir défrayé la chronique en France à la Belle Époque.
Djebari n’est pas un personnage majeur de l’histoire du pays mais il est assez atypique pour avoir une place dans celle-ci. Ses origines, bien que floues, sont modestes, il reçoit toutefois une bonne éducation dont l’apprentissage du français qui lui permet de devenir interprète dans l’armée.
Mais il ne se contente pas de vouloir gravir les échelons de la société, il veut la bousculer quitte à jouer avec la vérité. Comme le fait remarquer Arthur Asseraf, il n’est pas un escroc, il a de l’ambition avec un dessein politique bien qu’il ne soit pas clairement exprimé dans le peu des écrits qu’il nous reste.
C’est un bel ouvrage pour comprendre une autre facette de la colonisation du Maghreb. L’Algérie est envahie depuis 1830, c’est un département français avec une majorité de la population avec des droits bien inférieurs à ceux des citoyens. Djebari se marie avec une française, se fait naturaliser. C’est un républicains mais il dénonce non seulement l’inégalité dont est victimes ses compatriotes face au droit français mais aussi dans la société algérienne avec, par exemple, le sort des paysans face à l’ancienne élite du pays. Il défend la Tunisie qui est sur le point de perdre son indépendance.
Mais toutes ses positions bien nobles sont assombries par des affabulations sur des missions confiées par les services de l’État français qui font de lui une star, notamment des mouvements antisémites français qui prennent de l’importance notamment dans la colonie française.
L’auteur agrémente le récit de ses propres réflexions sur son histoire familiale (des ancêtres d’origine juive-marocaine immigrants en Algérie puis naturalisés), le lien qui l’unit à son sujet, un lien de dépendance mais aussi de soumission avec un personnage aussi difficile à saisir que Messouad Djebari.
Il a cette belle conclusion sur l’information et la connaissance:
L’information est quelque chose qui se possède, qui se stocke, qui se vend, qui se manipule et se déforme. La connaissance, elle, n’est pas une possession. Elle n’est pas absolue, car elle ne peut pas exister dans le vide. Elle n’est pas relative non plus, sinon on ne pourrait pas la distinguer du reste. Elle est relationnelle. Elle se fait d’une personne à une autre.
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