Médias Sportifs sur Internet
Une interview récente sur le site de Stratechery m’a fait penser au modèle d’affaires des sites de nouvelles sportives.
DNVR, la niche locale basée sur la publicité
L’interview en question était celle du fondateur de DNVR, un site dédié aux équipes sportives (basketball, baseball, football américain, hockey, etc) qui jouent au Colorado. Le public est donc local au sens logique car il y a une multitude de gens qui ont habité dans cet état mais qui ont déménagé ailleurs aux USA ou dans le monde.
Adam Mares, un des fondateurs de DNVR, a une passion pour le basketball depuis une éternité. Il avait aussi un intérêt pour l’écriture mais qui n’a pas porté ses fruits après l’université. Il poursuit alors une carrière d’agent immobilier sans perdre de vue son hobby en étant un blogueur dédié à l’équipe locale, les Denver Nuggets. Cette équipe a connu un renouveau avec l’arrivée d’un joueur maintenant mythique, Nikola Jokić. Adam s’est rendu compte qu’il aimait et pouvait pousser ce hobby plus loin étant là au bon moment profitant ainsi du nouveau élan apporté par Jokić. Avec ses partenaires, ils ont commencé à vendre l’accès à un podcast, des accessoires vestimentaires, des évènements pour regarder les matchs (“Watch parties”).
En 2019, ils ont joint leurs efforts à ceux d’un autre groupe de blogueurs locaux. Leur modèle est celui d’un abonnement avec un podcast, un serveur Discord, des produits marqués mais aussi un bar! Le propriétaire cherchait à relancer son business et donc l’établissement porte maintenant l’image du site et on y organise des évènements lors des matchs, l’enregistrement des podcast, etc.
C’est le genre de niche qui profite bien de l’effet de levier que peut apporter Internet: une distribution au coût marginal presque nul. Il faut bien sûr avoir une traction, le travail de fond qu’a fait Adam en suivant et en écrivant sur l’équipe des Denver Nuggets mais après cela lui a permis de débloquer un modèle d’affaires intéressant.
Leurs revenus viennent à 75% de la publicité de la part de compagnies locales mais aussi d’un gros site de pari en ligne. Ce qui est peut-être contre-intuitif car, quand on pense à la publicité en ligne, on pense “gros volume”. Ils ont de très bons journalistes mais, étant un site au rayonnement local, cela limite le marché potentiel et donc les revenus tirés des abonnements seuls (80$ par an). Mais ces articles leur apportent une crédibilité sans laquelle le reste du business ne serait pas possible.
Defector, le généraliste qui vit des abonnements
L’autre site auquel je pensais est Defector qui est plus difficile à cerner. C’est un site principalement dédié au sport mais ils ont aussi une section un peu plus “meta” qui va par exemple aborder le sujet du business des podcasts. Justement, ils ont aussi des podcasts qui ne sont pas liés au sport comme Normal Gossip ou Namedropping. Normal Gossip semble être leur principal succès dans ce segment car il a un abonnement spécifique, de 5 à 12$ par mois. Le podcast se définit comme :
Normal Gossip delivers juicy, strange, funny, and utterly banal gossip about people you’ll never know and never meet. Host Kelsey McKinney discusses reader-submitted comedic gossip with guests, diving into the lives and decisions of complete strangers. The second-hand truth really is stranger than fiction.
Mais revenons à leur business principal. L’équipe a publié deux bilans annuels qui décrivent très bien leur fonctionnement. Ces rapports sont très précis abordant tous les aspects, non seulement les revenus mais aussi les dépenses allant de l’IT au RH en passant par le juridique.
Au-delà des chiffres, il y a des partis pris bien précis sur l’approche prise dans l’organisation de la compagnie. Voici un résumé:
- Les salariés sont tous actionnaires, il y a un système de votes pour les décisions importantes sinon le reste est sous la responsabilité de plus petits groupes
- Ils mettent l’accent sur une croissance “raisonnable”
- Ils ne font que très peu ou pas du tout de publicité pour promouvoir leur site sur les réseaux sociaux. Le bouche à oreille qu’amène certains articles leur permet de générer pas mal de trafic “organique”. Cela ne les empêche pas de faire des campagnes de souscription
- Il y a aussi une emphase pour bien traiter les journalistes indépendants avec un travail en collaboration avec le syndicat des journalistes indépendants
Contrairement à DNVR, ils ne sont pas dédiés à un marché local et leur source de revenus est à l’opposé, 95% proviennent des abonnements vendus à 8, 12 et 100$ par mois. Le point commun est l’utilisation de l’écrit comme vitrine. La qualité des articles permet de ramener du trafic déjà bien qualifié pour assurer une conversion en abonnés payants.
Cela n’a rien d’une étude exhaustive de ce secteur des médias sur Internet, ce ne sont que deux exemples pris de mes lectures. Mais je pense qu’ils illustrent bien le fait qu’il est possible de construire une entreprise basée la publication en ligne de contenu. Le sport est un des domaines qui s’y prêtent bien, sans doute dû au phénomène de tribu autour d’un club. Bien que j’utilise moins la vidéo comme média de consommation, YouTube est une plate-forme qui permet à certains créateurs de construire leur niche et d’en tirer des revenus substantiels.
Ce que je retiens toutefois ce n’est pas tellement qu’il y a une forme de contenu qui domine, que cela soit l’écrit, l’audio ou l’évènementiel mais que l’un fonctionne grâce aux autres pour former un tout cohérent pour la communauté et le business.
Billet publié dans les rubriques Everything Else le