Notes de lecture du livre Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar
J’ai plusieurs sources pour les lectures. Cela commence par une app, Book Track, où je consigne mes idées de lectures qui proviennent de recommandations, de tweets, d’articles ou de podcasts. Ensuite je les commande auprès d’une librairie locale. Il m’arrive parfois de les trouver à la bibliothèque municipale. J’échange aussi des livres avec des amis. Mais c’est la première fois que j’allais dans une librairie de livres d’occasions. J’y ai trouvé ce classique, Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar. C’est le genre d’auteure qu’on étudie à l’école, mais j’avoue ne pas me souvenir de l’avoir fait.
En consultant la fiche Wikipedia de Marguerite Yourcenar j’ai pris connaissance de sa vie atypique pour l’époque. Elle a voyagé très jeune avec son père puis s’est mis en couple dans les années 40 avec une femme américaine avec qui elle a vécu 40 ans sur une île au large du Maine. Elle a repris ses explorations à la mort de sa compagne avec un compagnon homosexuel.
Mémoires d’Hadrien est un roman historique. Il prend la forme d’une longue lettre autobiographique écrite par l’empereur à la fin de sa vie pour son successeur désigné, Marc Aurèle.
On comprend assez vite pourquoi l’ouvrage est devenu un classique à sa sortie. Il est très bien écrit, avec un vocabulaire très fleuri et des phrases dont on se souviendra longtemps. J’ai mis quelques extraits en bas de page.
Le récit est linéaire, il commence par son enfance dans une contrée de l’empire, l’Espagne, où il ne se passe pas grand chose. Il a peu de mots doux pour sa famille.
Après une éducation classique à Rome et Athènes, il entame une carrière de militaire qui lui permet d’être remarqué par l’empereur, Trajan, qui le prendra sous son aile. Mais les deux hommes se méfient aussi l’un de l’autre. Hadrien devrait être le conseiller parfait pour lui mais il l’est peut-être trop.
Sa vie d’empereur est marquée par de grands travaux, peu de guerres si ce n’est que pour solidifier les frontières. Il voyage beaucoup, aux quatre coins de l’empire pour négocier, superviser des grands travaux, chasser, etc.
Au Proche-Orient, il rencontre un jeune homme qui devient son amant. Suit une longue description, trop longue à mon goût, de leur idylle jusqu’à la mort par noyade de l’amant.
Il choisit un premier successeur mais ce dernier meurt jeune. Il se tourne alors vers un bureaucrate mais prévoit aussi sa succession avec Marc Aurèle.
Après la lettre, l’auteure explique comment elle en est venue à l’écrire. C’est un projet qui date de son adolescence mais c’est le genre d’entreprise “qu’on ne doit pas oser avant d’avoir dépassé quarante ans” selon elle.
C’est une belle vie qui est racontée, Hadrien est emblématique de l’âge d’or de l’empire romain, il fait partie de ce qu’on appelle la dynastie des “Cinq bons empereurs”. C’est un homme à la fois capable d’organiser administrativement l’empire mais aussi d’être sensible aux arts, à la condition de la femme et des esclaves. Trop beau pour être vrai? Il semblerait que le livre ne soit pas trop loin de la vérité telle qu’on la connaît des sources de l’époque. Il y a quand même un petit côté “paradis libéral” dans le ton. Pour faire un parallèle politique, cela me rappelle un peu l’optimisme des années 90 quand les partis de gauche (au sens large) étaient au pouvoir en Europe et aux USA. Le triomphe du libéralisme occidental semblait acquis. On sait tous maintenant que c’était un peu plus compliqué.
Extraits du livre:
Mes inquiétudes subsistaient, mais je les dissimulais comme des crimes; c’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt.
La fiction officielle veut qu’un empereur romain naisse à Rome, mais c’est à Italica que je suis né ; c’est à ce pays sec et pourtant fertile que j’ai superposé plus tard tant de régions du monde. La fiction a du bon : elle prouve que les décisions de l’esprit et de la volonté priment les circonstances. Le véritable lieu de naissance est celui où l’on a porté pour la première fois un coup d’œil intelligent sur soi-même : mes premières patries ont été des livres. A un moindre degré, des écoles.
Je me disais que seules deux affaires importantes m’attendaient à Rome; l’une était le choix de mon successeur, qui intéressait tout l’empire; l’autre était ma mort, et ne concernait que moi.
Un dernier à propos de l’écriture du livre
Je partis pour Taos, au Nouveau-Mexique. J’emportais avec moi les feuilles blanches sur quoi recommencer ce livre : nageur qui se jette à l’eau sans savoir s’il atteindra l’autre berge. Tard dans la nuit, j’y travaillai entre New York et Chicago, enfermée dans mon wagon-lit comme dans un hypogée. Puis, tout le jour suivant, dans le restaurant d’une gare de Chicago, où j’attendais un train bloqué par une tempête de neige. Ensuite, de nouveau, jusqu’à l’aube, seule dans la Ensuite, voiture d’observation de l’express de Santa-Fé, entou-rée par les croupes noires des montagnes du Colorado et par l’éternel dessin des astres. Les passages sur la nourriture, l’amour, le sommeil et la connaissance de l’homme furent écrits ainsi d’un seul jet. Je ne me souviens guère d’un jour plus ardent, ni de nuits plus lucides.
Billet publié dans les rubriques Lecture le