Notes de lecture du livre Average is Over: Powering America beyond the Age of the Great Stagnation de Tyler Cowen
Tyler Cowen est une économiste bien connu, surtout à travers son blog, Marginal Revolution. On peut le considérer comme un libertarien modéré. Son ouvrage est une fabuleuse fenêtre sur ce courant politique très présent en Amérique du nord mais presque inconnu en France où même le terme est sujet à débats.
Après la crise financière de 2008 aucun grand pays développé n’a connu une croissance forte et même si le taux de chômage baisse le marché du travail est moins dynamique. Mais là où d’autres y voient un problème conjoncturel, il pense que nous rentrons dans une nouvelle époque.
Le fil conducteur du livre est le jeu d’échec. J’avoue que cela fait un moment que je me suis intéressé de près ou de loin à cette discipline où n a connu la révolution de la machine qui bat l’homme. Mais le plus important explique Tyler Cowen c’est que maintenant c’est le couple homme-machine qui bat l’homme. Une nouvelle catégorie de joueurs (et de jeu) est apparue. Des joueurs considérés comme moyens avant sont devenus des champions. Mais ne pensez pas que c’est facile et qu’il suffit d’un accès à un programme de jeu pour battre un champion, non il faut savoir interpréter les résultats, choisir quel programme à quel moment de la partie.
Cette complémentarité entre l’homme et la machine est centrale dans la livre. Nous avons tous peur d’être remplacé par des machines au fur et à mesure qu’elles s’améliorent. Or elles ne sont pas encore intelligentes (et on est loin d‘en être là). La place de l’humain est et de savoir l’écouter et d’interpréter les résultats. Ceci n’est pas donné à tout le monde.
On pourrait penser que cela favorise les personnes avec des qualités scientifiques. Ceci n’est pas évident. Et je le vois dans la vie de tous les jours. Ce ne sont pas les développeurs informatiques qui font les meilleurs utilisateurs. Il y a une classe de gens qui n’ont pas un background scientifique mais qui savent tirer parti des outils, des réseaux sociaux, etc. L’exemple de l’éducation dans l’ouvrage est aussi frappant : L’éducation assistée par les machines devient plus une question de motivation, de guide pour le professeur que de transmission de savoir.
La dernière partie est la plus prospective. Avec une croissance molle et des dépenses de santé qui augmentent sans cesse les pouvoirs politiques sont devant une pression croissante entre augmenter les impôts et baisser les dépenses. Le « drama » des « fiscal cliffs » aux USA de ces dernières années en est l’expression. Comme les personnes âgées représentent une part toujours plus importante de l’électorat on pourra difficilement leur enlever des prestations. La pression fiscale est déjà trop élevée pour être encore augmentée. C’est donc sur le niveau de vie avec des prestations moins bonnes que l’ajustement va se faire. On ne parle des villes comme New York, Paris, Londres qui seront toujours des villes avec un niveau de prestations supérieures. Mais les zones secondaires où le prix des loyers est modéré mais où les services publics seront de moins bonnes qualités et où la sécurité sociale sera inexistante ou faible, les délais pour voir un médecin très longs etc.
L’évolution technologie va sans doute faire disparaître tout une catégorie de travail, cette fameuse classe moyenne. Tyler Cowen prévoie donc un grand nombre de salariés avec un faible pouvoir d’achat et une classe très riche. Certaines catégories d’emplois comme le consulting seront plus prometteuses car elles font appel à des capacités d’abstractions, de recul, d’optimisation des processus.
Ce grand écart, est-ce à déplorer? Le professeur américain pense qu’il n’y aura de révolution déclenchée par ces inégalités. Nos sociétés vieillissent et donc deviennent plus conservatrices. Les combats sont locaux et donc même si les inégalités font la une des journaux personne n’ira se battre contre elles (là je suis moins sûr de son propos, les USA n’ont pas eu de José Bové…). Il est plus facile maintenant qu’il y a 30 ans de vivre avec peu de moyens dans des villes comme Berlin, Brooklyn ou Mexico City dans une moindre mesure.
C’est un livre provocateur et un bon condensé des thèses présentées dans son blog et même si parfois on n’est pas d’accord avec ce qu’il présente on ne peut que saluer cette matière à penser. Après la période de croissance plus ou moins continue depuis l’après-guerre, les modèles sociaux-démocrates ou libéraux semblent en panne. Ces dernières années Internet commence vraiment à avoir un impact sur l’économie avec notamment les services comme Uber, Airbnb qui bousculent les réglementations actuelles. Nous en sommes qu’au début, nous vivons une époque dangereuse mais intéressante.
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