Notes de lecture du livre Le mystère du capital : Pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et échoue partout ailleurs d'Hernando De Soto
L’auteur essaie tout au long du livre de nous faire prendre conscience d’un concept auquel nous sommes tellement habitués que, comme l’électricité ou l’eau, nous n’y faisons plus attention. Ou plutôt nous avons oublié sa place dans le système et , pour Hernando de Soto, celle-ci est primordiale et même indispensable à tout développement. En effet la propriété est un fait acquis pour nous. Or on croit savoir que les pays en voie de développement souffrent d’un manque cruel de capital afin de financer les infrastructures et le système étatique d’une société prospère.
Pourtant Hernando de Soto arrive à montrer que ce capital est déjà présent mais qu’il est pas visible, que les dirigeants de ces pays ne réalisent pas sa place, son importance. Pourquoi ? Parce qu’il est extra-légal ou officieux, encore plus simplement c’est le marché noir. Pourquoi les gens vivent-ils en-dehors des structures légales ? L’auteur, un économiste “de terrain” puisqu’il a monté avec son équipe une boutique de vêtements dans la banlieue de Lima au Pérou. Afin de légaliser sa petite structure ils ont entrepris les démarches auprès des administrations compétentes : 289 jours à raison de 6 heures pleines par jours ! Les entrepreneurs n’ont donc pas un grand intérêt à légaliser leurs activités. Ce n’est même pas pour éviter certaines taxes car ils les paient par ailleurs mais parce que le système est illisible et mal adapté. Mais autant on peut se débrouiller pour développer sa petite affaire qui sera reconnue localement par d’autres, ce mode de fonctionnement trouve vite ses limites. Le droit de la propriété nous rappelle Hernando de Soto permet plus qu’une sécurité. Cela fixe le capital, celui lui donne une existence “détachée” du bien matériel : une maison a une valeur qui peut être ainsi comparée, valeur qui peut servir comme hypothèque pour financer une activité car reconnue par des organismes financiers.
Les pays occidentaux sont passés par cette phase de cohabitation entre les activités légales détenues par une frange de la population (corporatisme divers ou “cloche de verre” ) et une large part qui aspire aux mêmes droits. L’exemple des USA est longtemps développé : les vagues successives d’émigrants ne se sont pas vus attribués de terre par le jeune état dirigé par les colons anglais. Du coup une grande tension s’est installée car il a fallu du temps pour qu’on trouve un compromis. Les occupants illégaux ayant développé un système de répartition, d’arbitrage et même d’évaluation des améliorations apportées sur un terrain par une personne.
C’est ce processus que nous avons aussi oublié. Hernando de Soto explique les différents échecs de “légalisation” du capital dans les pays en voie de développement par la volonté de transposer tel quel un droit qui est l’aboutissement de nombreuses négociations d’un pays vers un autre. Pas de solution miracle bien sûr, mais comme souvent, c’est une volonté politique et pas une affaire de juristes ou de techniciens (développement de systèmes d’informations géographique performants). Car le premier obstacle réside dans l’ouverture de la cloche de verre : montrer l’intérêt pour l’élite existante de reconnaître le capital des pauvres. Le processus de constitution d’un droit de la propriété n’est pas détaillé mais la phase d’évaluation du capital est primordiale car c’est le meilleur moyen de reconnaître les investissements extra-légaux effectués.
La situation de ces pays est sans doute plus complexe, il est toujours tentant de réduire un vaste problème à une solution unique. Mais ce livre éclaire d’un jour nouveau la pauvreté car elle semble plus relative dans le sens où il y a un potentiel et qui plus est n’est pas mince. Ce qui est déprimant d’un autre côté c’est que la solution n’est pas technique ou aussi séduisante qu’une réduction de la dette ou une taxe sur les billets d’avion.
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