Notes de lecture du livre Legacy of Ashes, The history of the CIA de Tim Weiner
Ce livre de Tim Weiner ne ressemble en rien à ce qu’on peut lire d’habitude sur les services secrets dans les livres de Tom Clancy ou au discours de Charles Villeneuve lors du défilé du 14 juillet. L’auteur, journaliste au New York Times et Prix Pulitzer couvre les activités du service de renseignement depuis des années. Dans cet ouvrage de plus 500 pages on ne trouvera donc pas seulement une lecture politique de telle ou telle affaire ayant impliquée l’agence comme son rôle dans l’arrivée au pouvoir de Pinochet. L’analyse depuis sa création en 1947 par le président Truman jusqu’à sa disparition en tant que département indépendant en 2004 montre plutôt un service incompétent.
Deux buts avaient été assignés à l’agence : fournir des renseignements au président (Truman dira plus tard qu’il voulait juste lire des briefings quotidiens sur l’actualité mondiale) et exécuter des opérations secrètes à l’étranger. Or les 19 directeurs qui ont servi n’ont jamais pu mettre en place une organisation pour servir ces objectifs. Tim Weiner liste les évènements que les analsytes de la CIA ont sous-estimé gravement ou carrément loupé : de la première bombe atomique en 1949 jusqu’à l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1979 en passant par la guerre Israël-Egypte en 1967, la fourniture de missile à Cuba par les russes en 1962 etc. (un des dirigeants de la CIA et actuellement ministre de la Défense, Robert Gates apprendra l’invasion du Koweît par l’Irak chez des amis via CNN).
Les premiers dirigeants étaient tous sortis du groupe d’universités qu’on appelle Ivy League et ont souvent servis pendant la guerre dans le premier service de renseignements des USA, l’OSS. Après la guerre ils ont pris goût pour les opérations secrétes dès le début et de façon presque “amateur” souvent : les dirigeants pensaient pouvoir changer le cours de l’histoire (i.e. combattre et éliminer le communisme) en envoyant des locaux par parachute ou par bateau dans leur pays d’origine. Souvent ceux-ci étaient capturés ou retourné par les gouvernements ciblés. A chaque fois une méconnaissance de la situation politique locale tourne ces opérations en catastrophes. Ces mêmes dirigeants avaient aussi peu d’attrait pour le travail d’analyse (la CIA n’a jamais cité les problèmes économiques dont souffraient l’empire soviétique).
L’auteur décrit les relations qu’ont chaque président avec les espions. Le plus détail est donné sur les premiers présidents d’après guerre grâce à des déclassifications très récentes. Kennedy a été le premier à installer un système d’enregistrement audio dont les transcriptions sont maintenant disponibles (preuve que la démocratie américaine fonctionne dans certains domaines). Tous ont bien sûr vouloir utiliser la CIA non pas comme un fournisseur de renseignement mais aussi comme exécuteur du sale boulot (dont Kennedy qui voulait faire tuer Castro). La CIA enterrait à chaque fois les rapports sur les dysfonctionnements et chaque directeur avait plus ou moins accès au Président mais on sent à chaque fois une envie de protéger les siens et, plus grave, une autonomie dangereuse : au final la CIA pour ses agissements remettait en cause la politique étrangère comme au temps de Carter qui était un partisan d’une plus grande transparence.
On peut regretter que l’auteur ne trouve peu de grâce à l’agence, quelques succès sont évoqués mais ils pésent peu et l’auteur donne l’impression qu’il sont presque arrivés par chance. On retiendra bien les leçons : si un service de renseignements est indispensable pour une démocratie, on a pas encore trouvé de bonne façon de le gérer. La CIA qui a perdu depuis maintenant plus de 15 ans une grande part de ces analystes, n’a jamais pu avoir une bonne vision du monde tel qu’il est, et n’a donc jamais servi à éviter les guerres, les attentats quand on connaît les vrais foyers de violence. Mais n’est-ce pas un peu le cas des USA en général d’avoir une certaine idée de la démocratie, du cours des choses et de ne pas vouloir voir la réalité, démocratique parfois, dans les autres pays ?
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