Notes de lecture du livre Made in Monde de Suzanne Berger
J’ai lu beaucoup de livres de sur la mondialisation, souvent du point de vue théorique. Cela me permettait d’alimenter mes discussions sur ce sujet polémique. Mais je sentais bien qu’il me manquait souvent des exemples concrets. La mondialisation est un phénomène trop large pour l’appréhender facilement sans exemple. Le livre de l’équipe de chercheurs de Suzanne Berger est fantastique de ce point de vue. Basée sur des interviews de 500 chefs d’entreprise et cadres de pays très divers cette enquête étalée sur 5 ans nous fait découvrir principalement trois grands secteurs de l’économie mondiale : le textile, l’électronique et l’automobile.
On va à la rencontre d’entreprises connues (Dell, Sony, Gap, Zara, Samsung …) et d’autres moins connues qui sont souvent des gros founisseurs ou des grosses PME (Luxottica, Fang Brothers, American Apparel, …). Le plus frappant c’est qu’il n’y a pas de solution miracle face au défi de la mondialisation : l’Italie a superbement bien résisté à la concurrence des pays en voie de développement dans le monde du textile. Plus que ça : les entreprises de ce qu’on appelle les “districts” italiens (réseau d’entreprises géographiquement rapprochés ce qui rend la délocalisation difiiclle, on se coupe alors des fournisseurs et main-d’oeuvre qualifiés) font appel à des pays comme la Roumanie ou la Chine pour augmenter leur capacité mais dans des tâches bien particlières ou des produits moins pointus.
Les premiers chapitres sont consacrés à l’étude du phénomène de modularisation des processus de production : avant les entreprises étaient de gros ensembles (voir IBM) qui se chargeaient de toutes les étapes : R&D, fabrication, distribution, sav. Maintenant, notamment avec la standardisation et les échanges électroniques il est beaucoup plus facile de mettre au point un produit et surtout de sous-traiter sa fabrication : Apple fait appel à beaucoup de composants fabriqués par des compagnies tierces pour son iPod, s’il avait fallu refaire de A à Z ceux-ci le lecteur n’aurait pas vu le jour aussi vite.
Mais même dans cette tendance il n’y a pas de fatalité : d’autres entreprises ont choisi de garder certains processus : Sony utilise des composants fabriqués dans ses usines au Japon. Afin de garantir la qualité, une compétitivité en terme d’innovation les fabriquants japonais ou même coréens préfèrent garder ces activités. Le textile aussi n’est pas un secteur aussi uniforme qu’on aimerait le penser. Des entreprises comme Zara en Espagne ou American Apparel en Californie fabriquent leurs produits dans leur pays d’origine car les délais de fabrication et surtout de distribution des fabricants chinois sont trop longs pour pouvoir réagir vite aux changements de la mode. American Apparel peut fournir en une ou deux semaines les détaillants quand Gap doit attendre 3 ou 4 mois.
Vous apprendrez beaucoup de choses sur les entreprises multinationales, on démystifie beaucoup de préjugés dans cette étude mais surtout on apprend que les choix de délocalisations sont beaucoup plus compliqués que le choix entre bas et hauts salaires.
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