Notes de lecture du livre Pourfendeur de nuages de Russell Banks
C’est en regardant la fameuse série de Ken Burns, The Civil War produite par PBS que j’ai appris l’existence de John Brown. Cloudplitter (Pourfendeur de nuages) est un roman historique de Russell Banks qui retrace l’histoire de l’abolitionniste. Le titre vient du Mont Marcy, le plus haut sommet des Adirondacks, région de l’Etat de New York. Les indiens n’avaient pas donné de nom à cette montagne mais Tahawus, un nom indien, signifie “the cloud splitter” et donc les nouveaux arrivants blancs ont utilisé ce nom.
Cette biographie romancée prend la forme d’une confession, celle d’un des fils : Owen Brown. Il est maintenant exilé en Californie car l’aventure familiale se termine mal : le père sera pendu, deux frères seront tués lors du raid final contre un dépôt fédéral d’armes en Virginie.
Mais tout commence avec l’enfance d’Owen dans cette famille très puritaine. La période est celle de la conquête d‘un continent, le père est un agriculteur qui a de bonnes qualité pour organiser le travail mais n’a pas le sens des affaires. Et là réside la contradiction du personnage privé versus le personnage public : il doit penser aussi à sa famille. Il va se remarier après le décès de sa première femme et au total il aura 20 enfants dont 11 verront l’âge adulte. John Brown est l’archétype de l’idéaliste qui va révéler le côté fanatique de son engagement dans les années ultérieures mais au début celui-ci est tempéré par les besoins matériels de sa famille.
Il croulera sous les dettes, passant beaucoup de temps avec les avocats et les banquiers. Un chapitre est consacré à son voyage avec Owen en Angleterre où il espère trouver un débouché pour son coton. Avant de partir il avait commencé à former une « armée » avec des noirs vivant au nord mais il va devoir tout mettre en suspens pour ce voyage d’affaires. Il va prêcher tout au long de ce périple sur le vieux continent auprès des voyageurs, il ira visiter Waterloo (il est un avide lecteur des récits de batailles) mais reviendra bredouille et encore plus endetté.
Le livre aborde aussi le point de vue du fils, il est un adolescent quand son père décide d’impliquer sa famille dans son combat contre l’esclavagisme. Bien qu’il est deux frères plus âgés, ceux-ci ont déjà fondé une famille quand les choses deviennent plus sérieuses et donc c’est Owen qui sera embarqué, malgré lui quelque part, dans les aventures de son père. Il y a donc aussi le passage vers l’âge adulte qui se fait brutalement. Owen devient le chef de famille en l’absence de son père. C’est d’autant plus frappant quand ils s’installent à North Elba dans les Adirondacks près du Lac Placide. Une région que nous connaissons plus puisque juste au sud de la frontière canadienne la plus proche de Montréal. C’est dans cette région que la famille va s’occuper du « train souterrain », un réseau de personnes aidant les esclaves en fuite vers le Canada (qui arrive à Port Kent pour travers le lac Champlain).
Il y a un côté très religieux dans l’engagement de John Brown. Pour lui il ne fait que suivre les préceptes de Dieu et rien ne peut l’arrêter. Ce qui surprend aussi c’est la proximité du réseau d’intellectuels à cette époque. Ce fermier, prêcheur sans grande connections familiales va rencontrer des figures comme Frederik Douglas, Thoreau, etc. de façon informelle. Il devra par la suite lui même une figure mais il est déconcertant de voir comment il était facile d’accéder et participer à la « A-List » de cette époque (je l’ai remarqué aussi dans d’autres de livres à propos du XIXème siècle).
C’est l’époque de l’intégration des territoires dans l’union fédérale et cela marque aussi le tournant guerrier de John Brown et sa famille. Le Kansas va rejoindre l’union, et John a peur que si le nouvel État légalise l’esclavagisme alors le Sud sera trop puissant poussant le Nord à se séparer et former une nation indépendante (avec le Canada ?). C’est alors qu’il commence des raids, tuant des sympathisants du Sud pour forcer le conflit. Son plan ensuite est de provoquer une révolte armée avec l’aide des Noirs et de libérer le Sud. Celle n’arrivera jamais car elle sera étouffée dans l’œuf par les forces fédérales à Harper Ferries. Mais même si son plan initial ne se réalise pas, la guerre civile sera en partie déclencher suite à ses actions.
John Brown était un abolitionniste pas comme les autres. Il ne se mêlait pas aux autres blancs qui défendaient la même cause et n’était sûrement pas d’accord sur les moyens de combattre le même ennemi. Cette citation de Frederik Douglas (lui-même noir) résume bien leur différence :
“His zeal in the cause of my race was far greater than mine—it was as the burning sun to my taper light—mine was bounded by time, his stretched away to the boundless shores of eternity. I could live for the slave, but he could die for him.”
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