Notes de lecture du livre Souvenirs et Solitude de Jean Zay
Jean Zay fait partie de ces oubliés de la République. Ce n’est pas un héros de la résistance puisqu’il a passé toute la guerre en prison. Ministre de la troisième république, il est tombé dans le piège du gouvernement de Pétain en essayant de rejoindre le Maroc avec certains députés et ministres déplacés à Bordeaux pour se retrouver arrêter et accuser de désertion et de trahison. Ce livre retrace son incarcération à Marseille puis à Riom.
C’est une autobiographie partielle d’une part parce qu’elle ne couvre que les années menant à la guerre et celles en prison et d’autre part parce qu’elle s’arrête abruptement en 1943. Bien qu’on sache la fin dès le début de la lecture, on ne peut se retenir d’espère une évasion. D’autres prisonniers politiques l’ont fait, bénéficiant d’un réseau de soutien important. Il semble que Jean Zay l’ai refusé. C’est un peu énervant car en plus d’avoir une femme et deux enfants en-dehors, il faisait partie des jeunes espoirs de la gauche radicale.
Le plus jeune député (élu à 27 ans) devient ministre de l’Éducation nationale et des beaux-arts à 32 ans en 1936. Dans ses 3 ans de fonctions il va introduire l’éducation physique dans les écoles, proposer la création de ce qui deviendra l’ENA après le conflit, le CNRS fait partie de ses réformes ainsi que le CROUS. Du côté de la culture il créer le festival de Cannes (la première édition prévue en septembre 1939 sera annulé à cause de la guerre) et la réunion des théâtres lyriques nationaux.
Il y a deux aspects dans le livre. Le premier décrivant son expérience dans le gouvernement Blum. Il a été auparavant sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil, ce qui lui permet de raconter quelques anecdotes croustillantes notamment sur ceux qui après 1939 sont passés du côté de la collaboration.
Il retranscrit bien la solitude du prisonnier enfermé entre 4 murs n’ayant que des souvenirs pour essayer de fuir à la routine de la vie de prisonnier. Ce n’est pas un prisonnier comme les autres mais bien qu’il ait eu un traitement spécial pendant un temps (autorisant les visites familiales et les repas spéciaux) il a partagé le sort des prisonniers de droits communs.
C’est un très bon livre pour découvrir une autre facette de la seconde guerre mondiale. Les notes de lecture permettent de remettre en contexte les faits. Le livre s’arrête donc d’un coup net, les conditions de sa détention se détériorant. Jean Zay sera exécuté le 20 juin 1944 par deux miliciens se faisant passer pour des membres de la résistance.
Le seul document restant de ses dernières jours est la lettre adressée à sa femme, émouvante elle nous rappelle que même si la guerre est une affaire d’États à laquelle Jean Zay à participer, elle a des effets dévastateurs pour les individus de ces nations.
Une note personnelle : je suis allé par hasard lire la fiche Wikipédia d’un de ces hommes politiques ayant continué à travailler sous le gouvernement Pétain, Georges Bonnet. Voici le texte sur Wikipédia (la version anglaise est encore plus détaillée):
Pendant la guerre, il se range du côté du maréchal Pétain, à qui il vote les pleins pouvoirs, le 10 juillet 1940. À partir de 1941, il est membre du Conseil national, un organe du pouvoir vichyste.
Après la guerre, sa collaboration avec le régime de Vichy le contraint à l’exil en Suisse, pour échapper aux poursuites. Il revient ensuite en France et, de 1956 à 1968, est député de la Dordogne et maire de Brantôme de 1955 à 1965.
Et voici la version sur le site officiel de l’assemblée nationale :
Le 10 juillet 1940, à Vichy, il vote les pouvoirs constituants au Maréchal Pétain, comme la majorité de ses collègues du Parlement. Mais il ne cache pas ses sentiments envers l’occupant et, en 1943, menacé d’être arrêté par les Allemands, il se réfugie en Suisse où il écrit deux ouvrages ; « Défense de la Paix » et « Fin d’une Europe ». Rentré en France après la libération, il redescend dans l’arène politique, et malgré les forces d’opposition qu’il trouve en face de lui, se fait élire en 1950 conseiller général du canton de Champagnac, pour être réélu en 1953
Si on écoute la version officielle (qui se trompe sur la date de son départ pour la Suisse qui n’est pas 1943 mais le 5 April 1944), il s’est réfugié en Suisse car il était « menacé» par les Allemands, tellement menacé qu’il attendu 1953 pour revenir en France ….
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