Notes de lecture du livre The Path Between the Seas: The Creation of the Panama Canal, 1870-1914 de David McCullough
C’est toujours pareil : vous visitez une ville et quelques mois ou années plus tard vous tombez sur un livre passionnant qui parle de cet endroit. Et bien sûr vous regrettez de ne pas avoir porté plus attention à certaines choses.
C’est ce qui est arrivé avec Panama où nous sommes allés en vacances en 2010 et le livre de David McCullough, The Path Between Seas: The Creation of the Panama Canal, 1870-1914. J’avais bien sûr une vague idée de l’origine de l’ouvrage étant donné sa place dans l’histoire française.
Ce classique datant de 1977 décrit la construction du canal entre les océans pacifique et atlantique. Dans les petites perles d’informations trouvées à la lecture de ce livre: Panama est à l’est de la Floride et bien qu’on imagine que le canal va de l’est vers l’ouest, en fait le passage est orienté nord-sud.
La première partie du livre est consacrée à la tentative emmenée par Ferdinand de Lesseps, un entrepreneur français qui a construit le canal de Suez. J’utilise le terme entrepreneur car il n’était pas ingénieur mais il avait des rêves de réalisations techniques grandioses. On a dû mal à l’imaginer mais même si on vit dans une période de fortes innovations technologiques ce n’est pas la seule ou la première. Et l’exemple de Ferdinand De Lesseps est frappant: il va déplacer des montagnes—littéralement dans le cas de Panama—pour réaliser cet ouvrage gigantesque.
La réalité du terrain est bien dure. Contrairement à Suez où le climat certes difficile est prévisible, le Panama est une contrée encore bien inconnue. C’est une province isolée de la Colombie : le passage par la terre vers le reste du pays est presque impossible et les voies praticables sont par la mer de chaque côté de l’isthme panaméen. Les pluies torrentielles rendent très durs les travaux lors de la saison des pluies et provoquent des glissement de terrain dévastateurs. Enfin la fièvre jaune et le paludisme font des ravages, plusieurs milliers de morts surviendront lors de cette première phase.
L’idée de refaire un canal au niveau de la mer comme à Suez n’était pas praticable à Panama à cause notamment du Río Chagres qui connaît des crues dévastatrices. Un canal à écluses sera évoqué par d’autres ingénieurs mais ils ne seront pas entendus.
L’aventure française va déboucher sur le scandale de Panama impliquant des banques et hommes politiques. Bien que Lesseps ne s’est jamais enrichi dans cette affaire il semble bien qu’il est regardé ailleurs lors des malversations afin de poursuivre son rêve.
La seule réalisation durable de cette époque sera le chemin de fer qui va connaître un succès phénoménal. Il permet de relier New York à San Francisco beaucoup plus vite et sera très utilisé lors de la ruée vers l’or par les prospecteurs.
La deuxième partie suit l’expédition américaine : le président Roosevelt fait de la réalisation d’un canal son cheval de bataille. Une guerre de relation publique s’ensuit avec l’aide d’un des ingénieur français, Philippe Bunau-Varilla. Celui-ci va devenir le chef des relations publiques pour le Panama car le sénat américain doit décider de la route à prendre : Nicaragua ou Panama. Le Panama va l’emporter de justesse.
Une grande place est dédiée à la lutte contre le paludisme et la fièvre jaune. Le médecin chef Gorgas aura dû mal à convaincre que l’origine des deux maladies sont des moustiques. Cette théorie était connue depuis un moment mais n’a été que testée efficacement à Cuba. La lourdeur administrative et le scepticisme des dirigeants retardent un traitement efficace.
Deux choses m’ont frappé. Premièrement ce n’est que lorsque Roosevelt puis Taft vont changer la structure de décision que les travaux vont connaître un rythme plus soutenu. On passe d’un comité de 9 personnes à Washington vers un rôle centralisé dans les mains d’une personne à Panama. Ce chef de bataille sera John Stevens un ingénieur des chemins de fer puis George Goethals un ingénieur militaire. On le remarque parfois dans des projets informatiques open source : quand un dictateur bienveillant conduit un projet, celui-ci a une chance de connaître un certain succès.
Cela sera aussi la première fois qu’un président américain fait une visite officielle en dehors du pays. Ces visites font partie de la routine de nos jours mais le voyage de Roosevelt dans le Sud sera un véritable événement.
La construction en tant que telle est bien sûr un travail gigantesque : un barrage, des écluses énormes et la fameuse coupe Culebra qui représente une vallée artificielle de 12.5 kilomètres creusées à coup de dynamite. Cette entreprise était une petite société fermée dans le pays. Une expérience socialiste (certains députés ayant peur que les travailleurs ramènent ce modèle de retour au pays). La compagnie fournit bien sûr les vêtements, le logement pour les travailleurs et leur famille mais aussi les supermarchés, les journaux, la nourriture etc. dans la zone de construction. Le canal illustre aussi l’inégalité entre blancs et noirs : sur les 50.000 personnes seuls 6000 sont blancs (dont 2.500 sont des membres de la famille des travailleurs blancs). Les noirs représentaient une large partie des morts issus des maladies tropicales.
Beaucoup de choses se sont passés depuis l’écriture de cet ouvrage en 1977, notamment avec l’invasion américaine de 1989 mais il revient sur une époque encore moins connue. Le canal sera ouvert en 1913 et bien qu’il ai saisi l’imaginaire collectif lors de sa construction, il tombera vite dans l’oubli avec la première guerre mondiale. J’aime à penser aussi que c’est un des derniers gros ouvrages de génie civile, qu’il ferme une époque. David McCullough l’a faite revivre de façon passionnante.
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