Notes de lecture du livre Thinking, Fast and Slow de Daniel Kahneman
Étudiant en économie dans la fin des années 90, j’ai suivi des cours sur la micro-économie et la macro-économie, chacune ayant ses propres courants de pensée comme les monétaristes, les keynésiens etc. Pourtant à la même époque une branche de l’économie était déjà bien développée mais je suis passé à côté. Daniel Kahneman est un des pères fondateurs de l’économie comportementale. Ce courant se propose d’aller au-delà de l’hypothèse de l’individu rationnel qui fait des choix informés. Prix de Nobel en 2002, l’auteur a écrit ce livre comme une sorte de résumé de plusieurs décennies de travail. Ce fut comme un cours accéléré de rattrapage pour moi.
A travers plusieurs exemples d’études et d’expérimentations le psychologue reconverti en économiste nous décrit deux systèmes : le système 1, inconscient, qui est celui par lequel nous prenons la plupart des décisions. Il réagit vite, souvent par analogie avec des situations déjà rencontrées et le système 2 qui est plus lent, plus rationnel mais plus difficilement mobilisable.
A partir de cette distinction on passe travers plusieurs biais psychologiques, en voici quelqu’un que j’ai trouvé intéressant :
- Biais de représentativité : on se fit plus à une présentation personnalisée de l’information que sur des statistiques. Je reprends ici la traduction française du livre :
Linda a 31 ans, elle est célibataire, franche et très brillante. Elle possède une maîtrise de philosophie. Etudiante, elle se montrait très préoccupée par les questions de discrimination et de justice sociale, elle participait aussi à des manifestations antinucléaires.
Selon vous, Linda a-t-elle plus de chance d’être :
- Enseignante dans une école primaire.
- Libraire et inscrite à des leçons de yoga.
- Active dans le mouvement féministe.
- Travailleuse sociale en milieu psychiatrique.
- Membre de la ligue des électrices.
- Guichetière dans une banque.
- Vendeuse d’assurances.
- Guichetière dans une banque et active dans le mouvement féministe.
89% des personnes choisissent la réponse 8 alors que les propositions 3 et 6 sont statistiquement plus probables.
- Ancrage : notre tendance à se faire une idée sur une première impression. Par exemple en formulant une question qui contient déjà une estimation, les réponses tournent autour de ce même chiffre.
- Framing (Cadrage) : avec en plus une aversion au risque, on va préferer une formulation qui sauve des vies plutôt que celle qui présente le même risque mais avec un nombre de morts on va risquer la solution la plus risquée
- Halo: Quand un accident d’avion survient, les gens surestiment le risque associé à ce moyen de transport car on entend beaucoup parler etc. C’est une des raisons pour lesquelles je lis moins les quotidiens que les magazines. Le phénomène « long reads » est aussi je pense une réaction à cet effet. Voir aussi le journal en ligne Salon qui publie 30 % moins d’articles par mois mais voit son trafic augmenter de 40%
Il y a un petit côté anecdotique dans ces descriptions, mais cela ne sont que quelques exemples de biais cognitifs auquel nous sommes tous plus ou moins coupables. D’autres chapitres sont aussi intéressants comme sur le succès des PDG que nous surestimons, des qualités de voyants des experts de la finances (quasi-nulles).
Une dernière anecdote mais qui illustre bien je trouve la difficulté à raisonner : on dit souvent que les gens en Californie sont plus heureux ? Pourquoi ? A cause du soleil on va répondre souvent alors que les Californiens eux ne citent pas le climat. On préfère se focaliser sur un détail plutôt que de développer une explication complexe.
Ma conclusion : réfléchir prend du temps, on dispose d’un temps relativement court pour analyser des situations au quotidien (« decision fatigue »), il faut être conscient de son aversion au risque. La persévérance et la chance ont beaucoup de place dans le succès de ce qu’on entreprend.
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