Notes de lecture du livre Why We Fight: The Roots of War and the Paths to Peace de Christophe Blattman
J’ai acheté ce livre de passage à New York. Il n’est pas lié à la ville mais je passais dans cette librairie proche de l’université de Columbia, il était disponible et je me rappelais qu’il était dans ma liste « à lire ». Un concours de circonstances si vous voulez. L’auteur est un économiste canadien vivant au États-Unis et spécialiste de l’économie internationale et plus particulièrement celle qui a trait aux pays en développement.
Le propos du livre est d’aller chercher les causes de la guerre non pas seulement dans des explications circonstancielles comme la trajectoire personnelle des dirigeants, les conditions économiques, etc mais plutôt dans des dynamiques plus générales.
Cela ne veut pas dire que les livres d’histoires sur les conflits sont sans intérêt mais Christophe Blattman pense qu’il y a un biais de sélection, on oublie les périodes de paix où les mêmes conditions se sont présentées sans aboutir à un conflit. Ces conditions ne sont souvent que le déclencheur, la goutte qui fait déborder le vase d’une situation déjà précaire.
Son analyse se base sur l’étude non seulement de guerres entre États comme la Première Guerre mondiale ou celle contre l’Irak en 2003 mais aussi de conflits entre gangsters à Chicago, Medellin ou encore dans l’antiquité entre Athènes et Sparte.
Les racines de la guerre
Il dresse une liste de 5 logiques qui peuvent amener à la guerre:
- Les élites qui n’ont pas de comptes à rendre i.e quand celles-ci ont peu à perdre personnellement, engageant seulement la vie et la fortune du peuple
- Des incitations intangibles comme l’honneur, la gloire nationale
- L’Incertitude qui nous amène à déclencher une guerre car on prend au mot un adversaire par manque d’information, c’est le « coup de poker »
- Quand on s’enferme dans un engagement qui devient non soutenable, par exemple quand on défend une alliance
- Les perceptions faussées quand on a trop confiance en soi ou sa capacité à gagner ou tout simplement car on prête aux adversaires des intentions plus négatives qu’elles ne sont en vrai. Souvent les disputes avec quelqu’un commencent parce qu’on a soit-même des pensées négatives. La colère est une émotion normale et nécessaire car elle montre à l’autre notre désaccord et aussi provoque le changement du statu-quo mais, incontrôlée, elle est dangereuse.
Les chemins vers la paix
La deuxième partie du livre est centrée sur les actions à prendre pour remédier aux problèmes qui nous mettent sur la mauvaise pente.
- Interdépendance, tisser des liens économiques ou culturels est un facteur de paix. Les villes indiennes où les hindous et musulmans vivent et commercent ensemble, comme les ports, voient moins de violences inter-communautaires que dans le reste du pays.
- Gardes-fous, on parle souvent de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire mais la décentralisation est tout aussi importante. L’économiste parle de son expérience au Libéria qui a vu une forte afflux d’aide internationale mais même avec un président bienveillant il est difficile d’agir
- Respect de la loi, la conquête de l’ouest au Canada s’est faite avec un déploiement en parallèle d’une police fédérale qui a pacifié plus rapidement que les États-Unis les nouveaux territoires.
Conclusion
On peut trouver ces deux listes un peu comme une enfilade d’évidences mais les exemples donnés sont convaincants. Ce qui a le plus résonné avec moi c’est la conclusion. L’auteur rappelle que quelque soit le problème il faut reconnaître que les solutions uniques, simples et rapides sont souvent les mauvaises ou illusoires. Il faut laisser du temps, par exemple aux acteurs locaux de s’approprier une réforme venue d’un pouvoir central, laisser la place à des modifications, etc.
J’ai l’impression que les élus d’aujourd’hui ont répondu de façon rationnelle aux attentes parfois irréalistes. Quelque part on est devenus trop exigeants car on veut des résultats rapides alors que les problèmes actuels sont plus complexes. Si une expérimentation échoue alors on va tout mettre sur le dos du pouvoir ce qui l’amène celui-ci à prendre peu de risques d’où des solutions souvent peu ambitieuses.
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