Notes de lecture du livre Running with Purpose de Jim Weber

Couverture du livre
Couverture du livre

C’est en lisant cette étude de marché sur Brooks par CommonCog que j’ai appris l’existence du livre par l’ancien PDG de l’entreprise Brooks. J’avoue ne pas être très familier avec cette marque de chaussures avant la lecture de l’ouvrage. J’en ai un vague souvenir notamment de leur boîte qui est assez distinctive (toute bleue avec le logo blanc).

Jim Weber a passé 23 ans aux commandes de la marque américaine avant de prendre sa retraite en mars 2024. Le livre couvre son parcours avant Brooks pour se terminer avant son départ, à la fin de la pandémie du COVID-19.

Son enfance a été marquée par les difficultés créées par l’alcoolisme de son père, un ingénieur qui a dû reprendre le commerce familial (un bar-bowling) après le décès du grand-père. Il développe assez vite l’envie d’un jour de diriger une compagnie. Ses premières aspirations sont toutefois tournées vers le monde du hockey professionnel mais celles-ci sont vite arrêtées par sa taille moyenne. Il se focalise alors sur le monde des affaires.

Il a un début de parcours somme toute assez classique: manager de crédit commercial dans une banque puis il part faire une école de commerce pour obtenir un MBA. Il commence alors dans l’industrie des marques alimentaires (CPG). Il monte vite les échelons pour être directeur de divisions d’entreprises rachetées par des fonds privés comme Coleman ou la marque de Ski SIMS.

Il part ensuite dans un fond d’investissement en 1999 et c’est là qu’il fait la connaissance de Brooks où il siège au conseil d’administration.

La marque est en détresse. Les prix sont tirés par le bas sous la pression de ses distributeurs, les marges sont minimales. Brooks est devenue une marque de chaussures « pour le barbecue » ou pire pour « passer la tondeuse ». Il est appelé à la rescousse, son rêve se réalise, il dirige une compagnie.

Les chapitres suivants racontent alors le sauvetage et l’expansion de la marque. Le coup de grâce étant quand un des distributeurs réclame des chaussures à 19$ la paire, il est alors très vite décidé de se spécialiser sur une niche : la chaussure de performance.

Je suis un coureur régulier mais amateur, par exemple je ne fais pas de marathon. J’ai dû me documenter un peu pour comprendre le segment de marché visé par Brooks. Chacun a une foulée de pied particulière, notamment la façon dont on plie plus ou moins le pied vers l’intérieur ou l’extérieur selon sa morphologie. Ces chaussures de performance (Brooks, Asics, etc) corrigent ces particularités pour éviter les blessures quand on pratique le sport de façon intensive.

Au début des années 2000, l’option dominante pour les marques est d’essayer de couvrir le plus de sports possibles pour aller chercher du volume et rentabiliser ses usines. Brooks va contre le vent dominant et se focalise sur la course et un prix au-dessus de 100$ la paire. Il délaisse les magasins grands publics pour privilégier les magasins spécialisés.

Ave le recul cette stratégie semble évidente mais je n’ose pas imaginer le doute qui devait habiter Jim Weber et son équipe sur le moment. Ce que je retrouve dans d’autres livres ,et qui est primordial pour diminuer cette incertitude, c’est la clarté de la vision qui se retrouve aussi dans l’exécution.

If the purpose answers why, our competitive strategies answer how we will compete and present to the customer, and our strategic goals describe what we will accomplish.

Tout ceci résumé en une page:

Ils ont un système de distribution qui est aussi très très bien géré.

We needed to make a statement with the product and gain the loyalty of the most discerning customers. We picked the largest category in performance running: the mid-priced stability trainer, where Asics dominated. Our statement product would be the Adrenaline GTS, which would go on to sell four million pairs per year and lead the category. Next, we would add a cushioned shoe alongside the Adrenaline GTS.

If Asics was sold out, we air-freighted the Adrenaline in every size and width. We were determined to chase demand and not miss an opportunity to gain market share with shoes on feet. Staying true to our purpose, we encouraged and serviced the retailer to bring out our Brooks Blue box.

Encore une fois, cela peut paraître évident mais, à l’époque, la plupart des marques ont une stratégie presque opposée. Jim Weber a fait un pari sur une catégorie bien particulière. Cette démarche sera mise à l’épreuve deux fois: la première avec l’arrivée des chaussures « barefoot » (pieds nus) et l’autre avec la tendance « athleisure » où le monde du sport empiète sur la mode. Chaque fois Brooks va réitérer son engagement sur son créneau, et seulement celui-ci.

L’aspect peut-être le moins intéressant du livre est celui sur la relation avec la maison-mère de Brooks, Berkshire Hathaway et les liens avec Warren Buffet. On apprend peu du monde de fonctionnement si ce n’est la large indépendance laissée aux filiales du conglomérat. J’aurai aimé plus de détails sur le modèle de distribution, comme c’est fait sur le marketing avec la présence dans les courses, etc. Il évoque toutefois leur retrait forcé par Amazon du site de commerce car ils ne veulent pas quitter le marketplace où il conserve la relation « client ».

Brooks était au bord de la faillite en 2001, en 2014 les revenus atteignent 500 millions de dollars et en 2022 le milliard. Cela peut sembler peu par rapport aux chiffres des entreprises technologiques mais on parle d’une marque de chaussures de sport spécialisée. C’est une très belle réussite.

Chiffre d’affaires de Brooks 2014-2023
Chiffre d’affaires de Brooks 2014-2023

Je suis un peu sceptique sur ce genre d’ouvrage, le biais du survivant est vite arrivé quand on raconte son propre succès. Toutefois on sent l’humilité du personnage dans son écriture, il est tenace mais avec l’esprit d’équipe. En résumé c’est une belle leçon de business, il a gagné un nouveau client avec moi, n’est-ce pas un signe que son livre est convaincant ?

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