The Black Jacobins - C.L.R. James

Couverture du livre
Couverture du livre

J’ai lu ce livre suite à l’excellente recommandation d’un ami à propos du podcast Revolutions qui traite des révolutions à travers les âges. La révolution en Haïti (1791-1804) a une place particulière car c’est un combat mené par des esclaves. Ceci contrairement à la France ou en Angleterre où les changements politiques majeurs ont été initiés par ce qu’on appellerait aujourd’hui la classe moyenne.

Mais si on restait à ce simple constat, une révolution partie du peuple, on manquerait toute la subtilité et les contradictions d’un combat qui se compose de plusieurs factions aux intérêts qui s’entremêlent.

Ce livre a été publié en 1938 et relate au travers de la vie de Toussaint l’Ouverture, un des leaders de la révolution, le conflit de l’île avec la métropole. Né esclave mais éduqué sur la plantation où il vivait avec sa famille, il arrive après le début de la révolte mais en devient très vite un de ses chefs.

Ce livre m’a frappé car il explique très bien les contradictions que chaque faction devait faire face: - les « Grands Blancs »: propriétaires terriens de la métropole souvent absents. Haïti était une île très riche du fait de son commerce principalement autour du sucre. Mais la métropole et ses ports avait un monopole avec l’île empêchant les échanges locaux avec, par exemple, les Amériques. - Les « petits blancs »: ceux qui gèrent au jour le jour les terres et constituent l’administration locale. Leur vie n’est pas facile car ils n’ont pas le confort matériel des « Grands blancs ». Cette communauté a beaucoup de ressentiment. - Les noirs libres qui sont issus de mariage entre blancs et gens de couleur. Ceux-ci arrivent à une sorte d’indépendance économique mais leurs droits sont loin d’être reconnus. - Les esclaves qui forment 87% de la population dont les conditions de vie sont exécrables.

Les bourgeois blancs locaux voient en la révolution française de 1789 une opportunité pour se défaire de la tutelle économique de la métropole. Ils se disent républicains, élisent des assemblées locales mais écartent très vite les noirs libres et ignorent complètement la question de l’esclavage.

Les révolutionnaires français de la métropole tergiversent beaucoup sur la question de l’égalité des gens de couleurs et de l’abolition de l’esclavage. Ceci peut paraître surprenant mais les esclaves noirs prennent alors fait et cause pour le roi car les révolutionnaires locaux sont contre l’abolition. Ils s’allieront même aux Espagnols qui entrent en guerre contre la France révolutionnaire. Les métis eux changent de camps plusieurs fois au gré des trahisons de leur alliés.

Les choses changent très vite et les chefs républicains locaux se rendent à l’évidence et abolissent l’esclavage en août 1793 pour obtenir des appuis locaux. La métropole dans un élan qui tient un peu de la chance va faire de même pour l’ensemble des colonies quelques mois après.

Toussaint L’Ouverture est alors un des chefs des esclaves ralliés aux Espagnols mais il change de camp après l’abolition et devient un des généraux de l’armée républicaine française. Il négocie même le retrait des Anglais qui avaient occupés une partie de l’île. En 1800 il confirme sa position de leader en battant l’armée de métis.

Il doit alors reconstruire l’économie du pays, et pour cela il prends des mesures impopulaires comme l’amnistie de certains colons et le travail forcé des noirs dans les plantations pour garantir un certain niveau de production. Mais le coup fatal sera la promulgation d’une constitution garantissant une certaine autonomie. Napoléon envoie alors un contingent de 30 000 hommes qui malgré de lourdes pertes arrivera à défaire l’armée locale. Toussaint l’Ouverture finira en prison en France dans le Doubs où il meurt en 1803. Haïti deviendra indépendante le 1er janvier 1804 après qu’une deuxième révolte se lève suite au rétablissement de l’esclavage dans des colonies voisines et chasse les français.

Le livre place au centre de ces deux révolutions entre-croisées Toussaint l’Ouverture. Celui-ci est attaché à l’idéal révolutionnaire français mais il sera trahi une première fois par les nouveaux républicains qui ont dû mal à comprendre la réalité en-dehors de la métropole puis par Napoléon qui voit d’un mauvais œil un personnage si imposant.

Ce livre est une bonne introduction aux Caraïbes qui sont soit synonymes de vacances ou de pauvreté pour beaucoup, à commencer par moi. L’ouvrage de C.L.R. James a réussi à changer mon regard sur cette partie du monde.

billet publié dans les rubriques readings le