The Man in the Red Coat - Julian Barnes


Couverture du livre
Couverture du livre

Il m’arrive régulièrement d’acheter ou de sauvegarder dans Book Track des livres suite à la lecture d’un tweet sans me rappeler ensuite du sujet et d’où j’en ai entendu parler.

C’est le cas avec l’ouvrage de Julian Barnes, « The Man in the Red Coat ». L’auteur britannique est très connu, son nom m’est familier mais je n’avais pas encore lu d’œuvre de lui. Quand j’ai commencé je n’avais aucune idée de quoi il en retournait. J’avais une vague idée qu’il était question de la fin du 19ème siècle début 20ème. Mais est-ce un roman? Un livre d’histoire? C’est un peu plus compliqué que ça.

L’auteur nous emmène durant la Belle Époque en France i.e. les années comprises entre la fin du XIXème siècle et 1914. Il nous raconte le destin de trois hommes: Samuel Pozy, le prince de Polignac et la comte de Montesquiou. Ce sont trois exemples du dandysme français de cette période, chacun ayant une trajectoire un peu différente.

Le plus âgé est le prince qui a une ambition littéraire limitée mais qui survit grâce à son nom, celui d’une vieille famille noble française. Homosexuel, il finira par vendre son nom en épousant une riche héritière américaine, ce qui arrive régulièrement avec l’apparition de nombreuses fortunes outre-Atlantique. L’heureuse élue est Winnaretta Singer, elle-même lesbienne. Le couple, parfaitement heureux de cet arrangement, sera un mécène important de la scène parisienne.

Robert de Montesquiou, portrait de Giovanni Boldini, Musée d’Orsay, Paris.
Robert de Montesquiou, portrait de Giovanni Boldini, Musée d’Orsay, Paris.
Le comte Montesquiou est le plus insolents des 3. Ses écrits ne seront pas appréciés de son vivant mais il avait la plume acerbe qui lui créait beaucoup d’ennemis. Il a soutenu beaucoup d’artistes contemporains financièrement ou en les aidant à trouver un public: Marcel Proust, Paul Verlaine, Claude Debussy et beaucoup d’autres.

Le dernier, et celui sur lequel Julian Barnes s’attarde, est Samuel Pozy. Issu de la bourgeoisie de province (Bergerac), il frappe par sa modernité. Sa famille est de confession protestante mais il est athée, il parle anglais couramment ce qui est rare pour cette époque et enfin ayant épousé une carrière de médecin, il va créer la discipline de la gynécologie moderne en France. Pour cela il voyage beaucoup, non seulement en Angleterre mais aussi aux États-Unis et en Argentine. Il ramène de ces séjours de nouvelles techniques qu’il mets en place dans l’hôpital qu’il dirige maintenant à Paris. Politiquement, il prends le camp des dreyfusards.

Il fréquente beaucoup les salons, ces endroits mondains où les artistes rencontrent et se financent auprès des bourgeois mécènes. Pozy y croise et soignera beaucoup de leurs visiteurs: Proust, Oscar Wilde, Daudet, Degas, Anatole France, Zola, etc.

Samuel Pozzi chez lui, par John Singer Sargent
Samuel Pozzi chez lui, par John Singer Sargent

Marié et père de trois enfants, le chirurgien aura beaucoup de maîtresses dont Sarah Bernhardt mais en bon dandy français il rassure sa femme : « Je ne vous ai pas trompée, ma chère, je vous ai complétée ».

Le livre dresse aussi le portrait d’autres personnages aussi colorés comme le journaliste Jean Lorrain, les frères Goncourt qui avec leur écrits déclenchent des scandales, des duels ou des procès (voir les extraits ci-dessous).

Sur le fond l’auteur fait bien de nous rappeler de la limite de son exercice qui est de faire revivre ces personnages morts depuis longtemps. Notre image de ces individus, et en particulier du cher docteur Pozy, repose sur des témoignages indirects. Il est facile de se laisser séduire par ce Paris étincelant du début du siècle. L’époque était synonyme de progrès sociaux et technologiques, avec des évènements comme les Expositions Universelles. Mais c’est aussi une période de fortes inégalités avec les barons d’industries et la bourgeoisie qui amassent des fortunes alors que la population générale ne bénéficie pas autant de cette croissance. La corruption politique est assez courante pour dire que chaque député était à vendre et je ne parle pas de l’affaire Dreyfus.

Au final, ce fut une très bonne surprise. C’est un livre d’un peu moins 300 pages mais il n’y a pas de chapitre, une structure inhabituelle mais qui ne paraît pas. Ces vignettes biographiques nous dresse un bon portrait d’une époque et le style d’écriture, plein d’esprit, rend la lecture encore pus agréable.

J’ai capturé quelques passages pour donner un avant-goût du livre.

Citation du docteur Pozy:

Le chauvinisme est une des formes de l’ignorance

Quelques passages qui m’ont bien amusés.

À propos de Jean Lorrain:

He was a man to be both endured and enjoyed. He said: “What is a vice? Merely a taste you don’t share.” Like Wilde, he was someone whose excessiveness and noisy ego were exhilarating to some, embarassing to others, and alarming to quieter homosexuals who valued privacy and feared the police van.

Oscar Wilde:

A sickly moralising hung over much British art; as Wilde, in The Picture of Dorian Gray, put it of the painter Basil Hallward: “His work was that curious mixture of bad painting and good intentions that always entitles a man to be called a representative British artist.” (Wilde was half-parroting Flaubert: “You dont make art out of good intentions.”)

There was a seventeenth-century French saying about homosexuality : « in France the nobles, in Spain the monks, in Italy everyone »

Sur la justice française:

When Gregori was brought to trial, French justice showed itself at its Frenchest. Gregori’s lawyer argued that his client had not actually been shooting at Dreyfus the man, but rather at “the idea of Dreyfusism.” Astonishingly, the assize court of the Seine accepted this argument, and Gregori was acquitted. Six years later, Jaures was assassinated; his assailant was also acquitted. French justice was always more open to abstract ideas than British justice; also, to the deployment of wit on the part of the defendant. In 1894, Felix Feneon, art critic, journalist, literary and artistic insider—the only dealer Matisse ever trusted—was caught up in a police sweep of anarchists. It was not by mischance: Feneon was a committed anarchist, by both word and deed. A police search of his office turned up a vial of mercury and a matchbox containing eleven detonators. Feneon’s the-dog-ate-my-homework explanation was that his father—who had recently died and was therefore sadly unavailable to give evidence—had found them in the street. When the judge put it to him that he had been observed talking to a well-known anarchist behind a gas lamp Feneon coolly replied, “Can you tell me, Monsieur le President, which side of a gas lamp is its behind?” This being France, his wit did him no disservice with the jury, who acquitted him.

Sur le journal des frères Goncourt:

However, not content with setting down the inconvenient truths of the age, Edmond went one step further and published them in nine volumes between 1887 and 1896. This was at a time when private letters were still routinely burnt on the sender’s or receiver’s death; and the Journal was greeted by some who featured in it with embarrassment, outrage and a sense of betrayal. The philosopher and historian Ernest Renan, author of The Life of Jesus, was famously and publicly furious when the fourth volume was published in 189o. He did not like being reminded—and having the reading public informed—that twenty years previously, with the Prussians encircling Paris, he had held forth at the Cafe Brebant on the superiority of the German mind and of German workmanship, ending with a cry of “Yes, gentlemen, the Germans are a superior race!” Goncourt defended his word-for-word account; he also agreed with a journalist sent to interview him as the row developed, that he was an “indiscreet individual.” But he claimed that the only memoirs of interest were written by “indiscreet individuals,» concluding with another prod at Renan: “Monsieur Renan has been so indiscreet about Jesus that he really ought to allow a little indiscreetness about himself.”

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