Notes de lecture du livre The Party de Richard McGregor
Il y a quelques mois, en écoutant le podcast Sharp China sur le congrès du Parti communiste et le troisième mandat de XI Jinping, le livre de Richard McGregor, un ancien correspondant du Financial Times en Chine, a été mentionné.
L’ouvrage date de 2012 mais je suis tombé dessus lors d’un voyage dans une grande librairie de livres d’occasions à Los Angeles, The Last Bookstore.
Écrit après la crise financière de 2008-2009, et avant le règne de XI Jinping, ce n’est pas un livre d’actualités sur les derniers rebondissements géopolitiques autour du géant asiatique. L’objet du livre est comment le Parti communiste chinois structure la vie politique et économique du pays.
L’organisation politique est partout mais peu visible explicitement. Elle n’a pas d’existence juridique, on ne peut l’attaquer en justice. Dans les entreprises il y a bien une cellule du parti mais ce n’est qu’une façade. L’influence se joue autrement. Chaque chef d’entreprise majeure a un téléphone rouge à 4 touches qui permet de communiquer entre cadres supérieurs du parti et les dirigeants. On se renvoie des ascenseurs entre la sphère politique et économique. La vente de postes importants est une source de corruption majeure.
Dans les années 2000 le pays a commencé à restructurer de grandes entreprises en vue d’ouvrir leur capital et de les faire coter sur des bourses occidentales. Chalco, principal producteur chinois d’aluminium fait partie de ces compagnies. C’était une façon de montrer au reste du monde que la Chine n’était plus une économie où la planification centrale était de mise et où les entreprises étaient libres de conduire leurs affaires. Mais quand le secteur a connu une vague de consolidation au niveau mondial, le parti a commandé à l’équipe dirigeante de prendre une position dans Rio Tinto menacée par une OPA hostile de BHP. Le conseil d’administration est alors contourné. Cela arrive aussi pour des dossiers plus dangereux comme le scandale des formules pour bébé contaminées qui a été étouffé juste avant les jeux olympiques de 2008.
Fini l’époque des purges politiques avec ses exécutions sommaires. Même la prison n’est plus tant utilisée comme sanction. On va rétrograder, exiler un cadre dans une province loin des centres politiques et économiques du pays.
Yang Jisheng est l’auteur de Tombstone, une étude minutieuse de la grande famine lors du Grand Bond en avant de Mao Zedong qui a coûté la vie à plus de 30 millions de personnes en 3 ans. C’est un journaliste d’une agence de presse chinoise, il vit à Beijing. Son livre a été censuré en Chine mais, bien qu’il soit surveillé, il n’a pas été jeté en prison.
Le Parti sait qu’il ne peut plus tout contrôler et il lâche du lest pour mieux protéger son emprise. Il restreint ainsi toute forme d’organisation qui peut rassembler des personnes et être le terreau à une potentielle protestation: syndicats, communauté religieuse ou même commerciale. À la fin des années 90 il a mis un frein aux entreprises de ventes directes comme Amway. Les rencontres privées sur lesquelles se basent le modèle de ventes de ces compagnies sont incompatibles avec le monopole du Parti communiste sur la vie communautaire.
La Chine a connu un boom économique ces 20 dernières années suite à la libéralisation de son économie et son entrée dans l’Organisation Mondiale du Commerce. Cette dernière lui a permis de donner un débouché pour la masse importante de main-d’oeuvre à faible coût dont elle est constituée. Ce rattrapage s’est fait avec un taux d’investissement (50%) qui est difficile à maintenir. On ne peut pas construire avec le même rythme des infrastructures et surtout leurs rendements sont de plus en plus faibles une fois qu’on a adressé les besoins de base.
Ce livre décrit bien l’emprise qu’a le Parti communiste sur la vie politique et économique du pays. On accorde beaucoup d’attention aux dernières technologies de surveillance, et c’est une bonne chose, mais il ne faut pas oublier que cela fait maintenant presque 75 ans que le Parti adapte ses méthodes de contrôle. Le pays est encore, par beaucoup d’aspects, une boîte noire mais l’ouvrage de Richard McGregor permet de mieux comprendre ses dynamiques internes.
Billet publié dans les rubriques Lecture le