Une première solution au problème de l’offre et la demande d’électricité
Billet avec la liste des articles de cette série
Nous allons expliquer comment les prix de l’électricité se forment à partir des règles que nous avons établies lors du précédent billet sur les caractéristiques de la demande et l’offre.
Ces mécanismes sont une simplification de ce qui se passe sur les vrais marchés mais il est nécessaire de passer par cette étape pour bien comprendre les fondamentaux. Le livre aborde ensuite des solutions plus réalistes.
Le prix à court terme: les surplus du consommateur et le prix optimal
Commençons par quelques concepts de base. Le premier est celui du surplus brut du consommateur. Un surplus est une mesure de la valeur de l’utilité reçue par la consommation d’un bien.
Dans le cas de l’électricité, pour un ménage, on peut mesurer ce surplus par la valeur accordée à chaque kWh consommé selon son usage:
- 30 cents pour un kWh servant au chauffage
- 15 cents pour un kWh pour l’éclairage
- 10 cents pour un kWh pour des appareils divers comme un ordinateur ou une télévision
- 5 cents pour 2 kWh pour des appareils ménagers
Les deux derniers kWh sont valorisés à un montant plus bas car on peut penser que ces kWh peuvent être consommés à tout moment, contrairement à celui du chauffage ou de l’éclairage qui sont difficilement déplaçables.
On obtient un surplus brut de 30 + 15 + 10 + 5 x 2 = 65 cents qu’on peut représenter par une courbe de la demande par la zone hachurée en bleu. Celle-ci a comme largeur les 5 kWh consommés et de hauteur leur prix respectif.
Pour avoir le surplus net on doit soustraire les coûts de production. À court terme, ceux-ci correspondent aux coûts variables dont nous avons discuté précédemment et qui sont égaux aux prix du fuel pour faire tourner l’usine de production.
Dans notre exemple, si le coût variable est de 3 cents par kWh produit on obtient un surplus net pour les 5 kWh de 65 cents - (5 kWh * 3 cents) = 50 cents. Ce qui correspond à la zone hachurée en bleu au-dessus du coût variable représentée par la ligne rouge.
Quand on consomme ou produit une unité supplémentaire d’électricité (un kWh) on parle de raisonnement à la marge. Si nous poursuivons notre cheminement pour trouver le prix optimal qui maximise le surplus, on peut voir que le surplus marginal net d’un kWh consommé supplémentaire est égal au prix moins le coût variable. Dans notre graphique c’est comme si on se déplaçait d’un kWh vers la droite. La zone verte étant le surplus marginal net.
Pour atteindre le surplus optimal on comprend alors que le prix sera égal au coût variable. Pourquoi? Car c’est ici que le surplus marginal net est de 0. Avant d’atteindre cette quantité le consommateur a tout intérêt à consommer une unité supplémentaire car cela augmente son surplus (le surplus marginal est positif) et le producteur aussi car le prix est supérieur à son coût variable de production (aussi appelé coût marginal).
Impact des périodes de pointe et hors-pointe et la courbe de l’offre
On parle de période hors-pointe quand la demande est inférieure à la capacité de production. Le prix s’établit alors au niveau du coût variable car 1) c’est celui d’une unité supplémentaire de kWh (coût du fuel) 2) celui qui maximise le surplus.
En revanche lors des période de pointe, la demande et la production sont égales à la capacité de production. Le prix sera alors égal à la dernière unité qui permet de faire rencontrer la capacité de production à la demande.
On voit sur ce graphique que pour les 4 premières périodes où la demande est inférieure à K, la capacité de production, le prix s’établit au coût variable, tel qu’expliqué au paragraphe précédent. Pour les deux dernières périodes, le prix va augmenter pour que la demande s’établisse à la capacité.
On retrouve ici la courbe de l’offre en forme de L: elle suit la ligne horizontale rouge du coût variable jusqu’à K où elle devient verticale avec la ligne verte qui dénote la capacité de production.
et le long-terme ?
Ajouter une unité de capacité, 1 MW par exemple, va impacter les prix en pointe car cette unité ne sera pas utilisée en heures hors-pointe.
À long terme le producteur ne fera pas de plus de profits en heures hors-pointe car le prix est égal au coût variable, la décision d’investir va donc se concentrer sur les heures de pointes.
Le profit en heure de pointe est égal à la capacité de génération multipliée par le prix: La zone hachurée en gris dans la graphique ci-dessous. La courbe représente une des heures de pointe où la demande est égale à la capacité de production.
On se rappelle du billet précédent sur les hypothèses de la structure de coût qui se décompose d’une part de coûts horaires variables (c, environ 50 euros par MWh) et de coûts horaires fixes (r, environ 60 000 euros par MW par an). Le producteur aura tout intérêt à ajouter une unité tant que le profit marginal est supérieur au coût fixe r.
Conclusion
On voit se dessiner une première dynamique des marchés de l’électricité: la question de l’élasticité de la demande vis-à-vis du prix notamment en heure de pointe. C’est-à-dire la réactivité de la demande quand les prix fluctuent.
Nous avons décrit une situation idéale avec un producteur unique doté d’une seule technologie face à une demande qui répond aux signaux de prix. On se penchera dans le prochain billet sur des conditions plus proches de la réalité.